Le jardin expérimental et la biodiversité augmentée

Le jardin expérimental et la biodiversité augmentée

L’un des deux gagnants à notre jeu “ Qu’est ce qui cache sur la photo?” de mai dernier, Maxence Bommelaere, nous donne une belle occasion, via sa question, d’expliquer quelle a été l’évolution du jardin expérimental de Biodiversio depuis sa création…

Question posée par Maxence Bommelaere sur Linkedin:

Après relecture de vos publications, je vois que Biodiversio a un jardin expérimental? J'aimerais en savoir plus sur ce lieu: qu'était-il à l'origine? Quand Biodiversio a débuté son aménagement? Et quels sont les résultats d'un point de vue de la biodiversité?

Bonjour Maxence et merci de votre question.

Le jardin de Biodiversio est un jardin privé dont l’origine remonte à la fusion de 4 parcelles contigües situées à la fois en coteau et sur un bord de rivière dans une commune de 20.000 habitants

L’acquisition de ces parcelles a été réalisée progressivement à partir de 2010 pour arriver à une surface de plus d’un hectare fin 2012. Historiquement, sans doute jusqu’à la fin des années 1970, ces parcelles étaient des surfaces agricoles en polyculture d’un côté et une décharge municipale de gravats de l’autre. Les propriétaires suivants ont traité le 30%  de cette surface en pelouse, 50% en prairie à poneys et le restant en roncier sur décharge.

L’aménagement a débuté progressivement à partir de 2013 jusqu’à ce jour.

Les 1ers travaux ont consisté à faire venir un agriculteur pour retourner des bandes de terrains dans l’objectif de faire remonter des graines historiques pouvant se trouver en profondeur. Puis des fossés ont été creusés à la bêche pour que les inondations liées aux crues ne persistent pas trop longtemps. Une grande partie du terrain est située sur l’ancien lit majeur de la rivière locale. Avec la création de ces fossés de drainage, il participe à son niveau, à servir de tampon aux crues locales.  

Un inventaire flore a également été réalisé. Ce dernier nous permet de voir que des plantes sont apparues ou ré-apparues à ce jour. Ainsi, du lin cultivé, historique dans la région, ou la première année, des rangs de salicaires parfaitement alignés avec le trait de charrue. 

Plusieurs années de suite, un ami pépiniériste, aujourd’hui à la retraite, réalisant 100% de sa production lui-même, généralement par semis issus des plus grands arboretum français et de collectionneurs privés, nous a vendu des “fonds de pépinières” contenant des lots d’arbres et d’arbustes pouvant convenir au jardin. Plus de 800 espèces ont ainsi été plantées, locales ou d’origine eura-asiatique et nord-américaine, d’où le nom de “jardin expérimental”. 30% de ces espèces ne se sont pas acclimatées, refusées par les chevreuils qui venaient suivre les différents chantiers, victimes de fortes gelées du début des années 2012, et des crues anormales en répétition entre 2010 et 2016 qui ont lieu entre mars et juin alors qu’historiquement, elles se déroulaient l’hiver. La dernière, nommée crue du millénaire avec 2.5 m d’eau sur le jardin pendant quinze jour et suivie de 3 étés particulièrement chauds et secs, a été à l’origine de la plus forte mortalité de végétaux plantés, sans doute aussi, car elle a charrié avec elle, le contenu des cuves de fiouls vidées sous sa contrainte, dans toutes communes traversées.

Si l’objectif initial du jardin était de devenir un “ jardin à papillons”, avec la plantation de feuillus à destination de leurs chenilles, ici, on adore voir les feuilles de nos plantations dévorées, le résultat actuel est au-dessus de nos rêves les plus fous. La biodiversité a littéralement explosé ! 

Pour les mammifères, nous avons eu, entre autres, la nidification du campagnol amphibie, avant le creusement d’un terrier par les castors. Nous faisons désormais partie du “réseau castor” au niveau régional. 

Le partenariat que nous avons avec BIRDZ, en lien avec le Muséum National d’Histoire Naturel, a révélé que notre prairie sauvage (non coupée en grande partie depuis plus de 10 ans) attire 15 espèces de chiroptères

Au niveau des oiseaux, plus de 60 espèces sont visibles ou nichent tout au long de l’année. Concernant les reptiles, nous avons la reproduction de 3 espèces de lézard, 2 espèces de couleuvres et une vipère. Nous sommes désormais en lien avec la Société herpétologique de France pour leur suivi. Le nombre d’espèces d’insectes est en hausse constante, aussi bien coléoptères, orthoptères, hyménoptères, odonates…papillons. 

L’inventaire n’est pas terminé, mais nous avons plus de 40 espèces déterminantes de ZNIEFF, zone naturelle d’intérêt environnemental floristique et faunistique.

L'objectif de cette fin d’année, en accord avec la DREAL, est de réaliser une ORE sur ce terrain (Obligation réelle environnementale) avant son classement en ZNIEFF ou plus suivant les inventaires que nous allons transmettre.

L’intérêt de cette procédure est de montrer 2 choses: Premièrement, que tout un chacun, sur son terrain, peut devenir acteur de la biodiversité sans être obligé d’attendre que les collectivités agissent pour lui. Le second point est de prouver que la biodiversité se cultive comme des salades, avec un protocole simple, celui de Biodiversio, et que nous pouvons aller au moins trois fois plus vite pour freiner sa chute et la reconstituer tant que sa résilience le permet plutôt que de dire, ce qui est vrai, que la nature se débrouille toute seule. 

Nous n’avons plus le temps d’être passifs, les scientifiques nous le disent, pour freiner la chute de la biodiversité nous n’avons plus qu’une quinzaine d'années devant nous.