Alors que dans un jardin à la française le travail hivernal consiste à gommer « tout ce qui dépasse », conséquences des évolutions naturelles des végétaux, dans un jardin en mouvement, l’hiver consiste à accompagner ceux-ci vers la création surprise d’un paysage sans cesse renouvelé.
Le premier objectif demande beaucoup de travail physique sous forme d’une lutte sans fin contre la nature, le second se plonge dans l’admiration de formes qui étaient inconnues l’été et mises à nu par l’hiver, la réflexion voire la rêverie, la compréhension et ses hypothèses, avec comme fil rouge, l’économie de son énergie, aller vers le plus simple qui finalement s’avère être le plus équilibré et souvent, naturellement le plus beau.
Le premier mouvement est vertical, du plus bas en sous-sol, vers le haut de la surface. Avant et après les grandes périodes de gel, alors que la terre est encore humide, un jardin équilibré se pare tout seul de multiples monticules, entre les turricules des vers de terre et les taupinières dont l’origine peut être l'œuvre d’un campagnol. Ces petits tas constituent une aubaine pour le jardinier qui profite de la période pour préparer ses semis et rempotages. Les plus petits serviront d’engrais et les plus gros, de base de création de votre propre terreau avec leur terre devenue fine sous les doigts. Autre avantage par rapport aux produits stérilisés du commerce, vous avez ainsi des supports mycorhizés qui devraient permettre un meilleur enracinement de vos plants.
Un autre mouvement est lui horizontal, avec un mode de transport à une ou deux roues. C’est celui du choix de l’emplacement définitif (ou presque, vous avez droit à l’erreur) de vos semis, boutures et transplantation de ligneux, qui vont gagner leur nouvelle place à chaque arrêt de la brouette. Même si vous pensez que votre haie est achevée, il est toujours simple et prudent de la compléter par la transplantation de vos semis naturels de ligneux. N’est-ce pas ce que fait la forêt depuis des millions d’années ?
Le mouvement vertical se produit également de bas en haut. Newton nous a expliqué pourquoi. Cette chute est parfois contrariée par le vent d’hiver, surtout en absence de précipitation, avec des feuilles mortes, volant en tous sens. Les rafales, les fortes pluies, provoquent, quant à elles, des chutes plus conséquentes, par une accentuation de l’élagage naturel des branches mortes.
Encore une aubaine pour le jardinier qui va pouvoir à nouveau utiliser son engin spatial de préférence à deux roues pour éviter une chute non programmée et effectuer ainsi une translation horizontale, afin de ramener feuilles et brindilles mortes au potager. Celles-ci seront une source supplémentaire de carbone, d’humidité, également de mycorhizes et d’une microfaune indispensable au bon fonctionnement du sol.
Vous l’aurez compris, en hiver les plantes changent de place au gré de l’humeur du jardinier et de ses acolytes transporteurs de graines que sont principalement les écureuils et un certain nombre d’oiseaux. On redécouvre aussi son jardin, des arbres plus gros, plus grands, avec plein de branches et des écorces magnifiques. C’est là qu’on s’aperçoit que le plant forestier mis en terre il y a dix ans nous regarde de haut et mériterait peut-être une taille d’éclaircie pour éviter qu’il ne garde le soleil pour lui seul et soit la cause de la disparition de la végétation basse à son pied. Si vous aviez une idée derrière la tête le jour de sa plantation, vous l’avez peut-être suivi d’année en année pour lui construire une ossature qui vous permet aujourd’hui de grimper dedans. Sinon, l’escabeau ou l’échelle devient obligatoire pour vous aider à réaliser ce que l’on nomme aujourd’hui une taille de transparence.
Quoi qu’il en soit, c’est en hiver principalement que l’on réalise des tas de bois en bordure de jardin, dans la haie ou à côté, avec les branches fraîchement coupées ou mortes depuis longtemps.
Ces tas de bois serviront d’abris pour la reproduction de multiples insectes et deviendront un « click and collect » pour lézards et oiseaux.
Peut-être avez-vous gardé des cheminements enherbés pour votre mobilité jardinière ? L’hiver est le moment de regarder les plantes qui les bordent ou les ont conquises afin de modifier la largeur de vos passages , leurs sinuosités, les élargir ou les rétrécir afin de respecter la future croissance des plantes ainsi choisies, avant l’arrivée du printemps. Vous pourrez marquer l’emplacement de ces migratrices végétales avec des piquets, ou des branches coupées à cet usage qui vous permettront de les éviter lors de la prochaine coupe. De cette manière, la constitution de votre jardin évoluera au fil du temps et du bon vouloir de vos plantations choisies ou non. Souvent, ce sont de grandes bisannuelles, comme les berces, les angéliques ou les cardères qui vous obligent à bouger les lignes ! Comme elles sont courbes, il n’y a aucun souci d’esthétisme. Alors que si elles étaient droites…
Si vous avez gardé des chaumes, ces tiges sèches de vos herbacées, vous pourrez vous promener au jardin pour assister, les jours de givres, à un spectacle féérique constitué d’ornements de dentelles blanches délicatement posées sur ces plantes.
Le jardin est également un lieu de détente dans lequel on peut employer le végétal pour créer les cabanes rêvées dans notre enfance. Au jardin de Biodiversio, il y a ainsi 3 cabanes construites à base de saule. Une au centre d’un saule marsault qui a poussé naturellement et qui a été taillé en cépée puis éclairci en partant de son milieu. L’autre est en forme d’igloo conçu à partir de branches de saules osiers qui sont taillés en trognes. La dernière est un tipi, bénéficiant des troncs de saules noirs lors de leur première taille. Ce sont 3 cabanes vivantes dont le volume augmente chaque été et dont on contrôle la charpente en hiver. C’est l’igloo qui donne le plus de travail car on a fait le choix de tresser chaque année un maximum des branches qui lui donnent l’été un air hirsute au lieu de les couper.
L’hiver est la bonne saison pour bouturer des tronçons de branches de saule, de la manière la plus simple, en profitant d’une terre très humide pour les enfoncer afin qu’ils prennent racines.
L’entretien raisonné des allées, la taille des arbres et arbustes, de la préparation des sols au potager créent une variation de volumes en plusieurs endroits..
Le travail de la terre ne se conçoit ici qu‘avec l’aide des « non-humains ».