Question posée par Alexandre Bureau sur Linkedin:
“Comment les trognes ont façonné nos paysages ruraux et pourquoi elles sont un bien précieux pour la biodiversité?”
Les trognes sont un vaste sujet et sont les victimes continues des remembrement et aujourd’hui du bois énergie. Ces arbres étaient situés soit dans des haies séparatives, soit en bordure de chemin et avaient leurs branches coupées, soit annuellement pour en faire du fourrage pour les animaux de trait ou tous les 5 ans par exemple, pour créer des réserves à bûches à proximité des fermes. On pouvait également les tailler pour créer des matériaux de charpente ou de vannerie suivant l’essence de l’arbre.
Aujourd’hui, ces arbres disparaissent par ignorance du technicien agricole au commande de son engin de sylviculture intensive qui, par facilité, va réaliser des coupes rases de haies ou de sous-bois, y compris les trognes qui délimitent depuis toujours les chemins. Ensuite, certains agriculteurs vont voir en elles, des “tracasseries administratives” car pouvant être le refuge d’espèces protégées. Ici, la simplification bureaucratique peut passer par une élimination pure et simple du problème éventuel de son paysage local. Hélas.
Pour compléter, on peut dire que les trognes ont façonné nos paysages ruraux de manière significative, en offrant une gestion durable des ressources naturelles, une adaptation aux pratiques agricoles traditionnelles et un rôle écologique fondamental. Leur présence dans les campagnes françaises et d'autres régions rurales d’Europe remonte à des siècles, et elles sont devenues des éléments incontournables du paysage rural.
Elles ont joué un rôle crucial dans la gestion du paysage agricole, en particulier dans les zones de bocage et les paysages ouverts. Voici quelques aspects de cette influence. Dans de nombreuses régions rurales, les trognes étaient souvent cultivées le long des haies, des chemins ou des rives de rivières. Elles permettaient de délimiter des parcelles de terrain tout en offrant une structure flexible et dynamique. Ce type de haie vivante, avec des arbres qui se renouvellent régulièrement, servait à la fois de barrière contre le vent, de protection contre l’érosion du sol et de délimitation des terres agricoles. Elles ont aussi façonné l’esthétique des paysages ruraux. Avec leurs formes uniques, créées par la taille régulière des branches, elles ont constitué une caractéristique visuelle importante dans les champs, les prairies, les haies et les bords de routes. Les troncs noueux et les cimes feuillues ont ainsi marqué le paysage d'une manière particulière. Et bien sûr, en préservant la structure du sol grâce à leurs racines profondes, les trognes empêchaient l’érosion, notamment lorsqu’elles étaient le long des ruisseaux et rivières.
Les trognes constituent un habitat riche pour une grande diversité d'espèces animales et végétales. Elles sont des habitats de nidification pour de nombreux oiseaux, notamment les pics, les chouettes, et les passereaux mais aussi des espèces de chauves-souris . Leurs troncs et les branches coupées laissés sur place, deviennent des substrats pour des champignons, lichens, mousses, offrant ainsi un nouveau biotope pour de nombreuses espèces d’insectes.
Les trognes étaient, de fait, un élément de résilience dans les écosystèmes agricoles et forestiers d’autrefois. Elles ont, non seulement, façonné nos paysages ruraux en contribuant à la gestion des ressources naturelles et à la structuration des espaces agricoles, mais elles sont aussi devenues essentielles pour la richesse en biodiversité locale .
Photo: Vieux saules têtards. Crédit photo : Michel Bramard / OFB